« Lire
ou ne pas lire, telle est la question ?»
Il y quelques jours, ma très chère amie et coéquipière Lyra a publié
un très bel article sur sa lecture d'un essai de Proust sur "la lecture". Elle me permettra de poursuivre cette réflexion avec un autre essai.
Il y bien des choses qui paraissent, en apparence tout du moins,
aller de soi. Pourtant, certaines recèlent en elles des complexités
et des secrets insoupçonnés. Ainsi, il est vrai qu’il est plus
facile pour certains d’entre nous de lire comme si cet acte était
un prolongement naturel de notre être. Je pourrais, le plus souvent, me ranger dans la catégorie de ces personnes-là.
Pourtant, il m’arrive aussi de sentir une barrière entre un livre
et moi. Cette barrière, toute en bois (métaphoriquement bien sûr) solide, haute comme un
hobbit, je parviens la plupart du temps à la franchir, mais pas
toujours ! POURQUOI ? ( Sentez l'aspect dramatique de la question.) C’est une question fascinante que celle de se
demander : Pourquoi lit-on et pourquoi ne parvenons-nous pas parfois à lire ? Peut-on seulement avoir une
réponse ? Et comme j’ai la curiosité d’un Peregrin Touque en pleine
quête de forfait à commettre, j’ai décidé, à mon humble niveau
de me pencher sur la question. Voici le tout début de ma réflexion.
Ahhh les Hobbits ! |
Pour la première fois depuis bien longtemps, j’ai fini
un livre grâce auquel j’ai pu me dire : « C’étaient
les mots que je cherchais ». Laissez-moi vous expliquez. Il
s’agit d’un « essai » : Comme un
roman, dans lequel l'auteur Daniel Pennac s'intéresse au rapport que nous (adultes, adolescents et enfants
confondus) entretenons avec l’acte de lire. Qu’on soit de grands
ou d’absents lecteurs, le lien que nous tissons avec la lecture
n’est fait que de complexité. Même dans une forme de fluidité,
lorsque l’on est un lecteur aguerri et passionné, rien n’est
totalement innocent dans le fait d’attraper des mots, des phrases,
des histoires en vol. Car lire, c’est bien ça. Attraper au moment
opportun ce qu’un auteur nous a envoyés. La liaison peut être
directe, parfois elle est interrompue ou même, elle ne décolle
jamais.
Comme un roman, Daniel Pennac, Gallimard, 1992. |
J’ai retrouvé dans cette lecture un écho si souvent entendu.
Comment lit-on une fois que l’on a appris à lire ? Pourquoi
lire d’ailleurs ? Y a-t-il un but après tout ? Finalement, Daniel
Pennac, grand
pédagogue qu’il est (même s’il revendique parfois le
contraire), m’a permis de mettre des mots sur ce que je pouvais,
dans mon esprit un peu brouillon, penser. Sans vouloir d’office lui
emprunter sa pensée, je ne peux que admettre une connivence entre ce
qu’il transmet et ce que j’ai pu constater. Le propos est
simple : la lecture n’aurait pas obligatoirement pour fin une
utilité bien précise. Essayer de faire lire ne reviendrait en fait
qu’à donner la possibilité d’être ou non un lecteur, et donc
de laisser le choix afin de ne pas être prisonnier du statut de
« non-lecteur » parce que l’on n’arrive pas à
accéder aux mots, aux textes, aux histoires. Il faut parvenir à
s'extraire de ce cet utilitarisme de la lecture, et la concevoir comme
le lieu d'un choix libre.
La lecture n’est en rien une facilité lorsque l’on est jeune, et
pourtant elle renferme en elle tellement plus de libertés que ce que
l’on peut envisager. Les mots, les phrases, le vocabulaire et même
le style peuvent apparaître comme des contraintes. Pourtant,
derrière ces apparentes difficultés se cachent des trésors
incroyables. Les barrières que l’on croit voir, apercevoir entre
le livre et nous, ne sont que des chimères à partir du moment où
l’on a l’approche qui « colle », oserais-je dire.
L’oralité en est une. Lire à voix haute alors même que l’on
insiste sur le fait de lire « dans sa tête » à l’école,
devrait être totalement admis.
Isaac Israels, Femme lisant sur un divan, 1920 |
D’abord, la lecture n’est pas nécessairement une solitude. Elle
est presque fondamentalement un partage. Un partage entre un auteur
et un lecteur, entre des générations, entre des amis, entre des
familles, entre des amours et même (ô grand dieu) un partage au
sein d’une classe. Si la lecture peut être l’occasion de se
réfugier dans un monde ressemblant ou non au nôtre, elle peut être
aussi le lieu d’une expérience commune, sensible, intelligible
entre plusieurs êtres. C’est aussi cela qui fait sa richesse. La
lecture est polymorphe, elle n’est pas figée. Elle se démultiplie
au grès des moments, des histoires personnelles, des lecteurs et des
lectrices bien sûr. Le lecteur a ainsi tous les droits ou presque.
C’est ce que l’auteur cherche à nous faire comprendre. Dans la
transmission de la lecture, nous avons aussi tous les droits.
Alors à vos lectures !
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